La voisine by Ashworth Jenn

La voisine by Ashworth Jenn

Auteur:Ashworth, Jenn [Ashworth, Jenn]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Editis
Publié: 2012-03-31T20:20:09+00:00


Sangita mangeait à toute vitesse, à petites bouchées bien propres, ses mâchoires claquant avec précision. Ses doigts maniaient couverts et serviette avec agilité. Tandis que Lucy agitait son couteau dans les airs en se servant – encore ! – un verre de vin, Sangita avait déjà fini son assiette et se tapotait le coin des lèvres avec sa serviette blanche. Ses mains étaient brunes, minuscules, avec de tout petits ongles ronds que les cuticules recouvraient presque entièrement. Je les ai contemplés un moment pendant que ma fourchette se dirigeait lentement vers ma bouche, en me demandant à quoi je pouvais bien ressembler lorsque je mangeais.

Barry, lui, semblait décidé à ne rien avaler. Il se contentait de superviser les opérations et forçait Sangita à se rasseoir chaque fois qu’elle faisait mine de se lever pour servir un invité ou aller chercher un verre propre. Au moment où les plats étaient arrivés, il avait retroussé ses manches et je m’étais attendue à ce qu’il se jette sur la nourriture tant ses louanges étaient enflammées. Bien sûr, ces compliments s’adressaient par extension à son épouse. Mais il n’a pris qu’une minuscule cuillerée de chaque plat, qu’il a disposée dans son assiette pour s’en désintéresser presque aussitôt. Bien installé au fond de sa chaise, il sirotait un verre d’eau gazeuse et paraissait plongé dans une méditation silencieuse.

Je crois me souvenir que Lucy a gardé une main sous la table pendant tout le repas. Son autre coude reposant sur la table, elle ponctuait ses bavardages interminables de petits mouvements de poignet et pouffait sans vergogne chaque fois qu’elle faisait tomber de la nourriture sur la nappe. Lorsque j’essayais d’engager la conversation avec elle, elle faisait semblant de m’ignorer, reportant toute l’attention sur sa petite personne. Cela ne me faisait ni chaud ni froid. Toutes ces manœuvres ne parvenaient qu’à lui donner l’air d’une péronnelle sans éducation. Je me suis appliquée à mettre en valeur sa vraie nature en faisant preuve d’une grande politesse à son égard – lui proposant par exemple la dernière tranche de tomate. Je me délectais au passage des petites attentions de Neil, lequel, à plusieurs reprises, est intervenu pour compenser la grossièreté de Lucy.

Neil avait une façon singulière de s’alimenter. Le nez dans son assiette, il mangeait avec méthode, coupant sa viande, la portant à sa bouche et l’avalant comme s’il avait un train à prendre. Dans ces moments-là, le reste du monde n’existait plus pour lui. Lorsqu’on lui adressait la parole, il répondait d’un vague signe de tête. Il ne s’est joint à la conversation qu’une fois son assiette finie. Il y avait quelque chose d’hypnotique dans cette diligence maîtrisée, comme si le rythme de sa mastication l’entraînait très loin de nous tous.

Comme je l’ai dit, il n’a pas fait particulièrement attention à moi, hormis les politesses d’usage. C’est précisément cela qui m’a donné à comprendre qu’il se rappelait sans doute notre première rencontre à l’arrêt de bus, un an auparavant. Bien sûr ce jour-là, mon visage était tuméfié, ensanglanté, peut-être que l’œdème ne s’était réellement formé que plus tard.



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